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Limba care te alege


„...probabil limba e aceea care-şi alege scriitorii de care are nevoie, îi foloseşte pentru a exprima câte o mică parte din ceea ce este; când limba va fi spus totul şi apoi va amuţi, sunt curios să văd cum va arăta viaţa noastră” – magistrală spusă a lui José Saramago (Premiul Nobel pentru Literatură, 1998), pusă în gura personajului Ricardo Reis (unul dintre heteronimii poetului Fernando Pessoa), protagonistul romanului Anul morţii lui Riocardo Reis, Polirom, 2008, pe care îl voi prezenta într-una din emisiunile viitoare. După cum se ştie, portughezul Fernando Pessoa a scris într-o limbă foarte puţin vorbită pe Bătrânul Continent (ceva mai mult, în America Latină, şi anume în Brazilia, dar şi în Africa, prin colonii), într-o cultură oarecum periferică – să nu zic provincială – pe care a conectat-o, literalmente, la modernitate. Mai puţină lume ştie că Pessoa a început ca poet de limbă egleză, publicând 15 Sonnetes în 1918, Antinous I, Inscription în 1921 şi Epithalamium în 1924, şi doar un singur volum – Mensagem, în 1934 – în portugheză. Sigur, şi-a luat revanşa prin... heteronimi, cu El Pastor şi Poemas dispersos ale lui Alberto Caiero, cu Ode-le lui Ricardo Reis, cu Oda triumfală de Alvaro de Campos ş.a. În cazul lui se poate afirma că limba portugheză l-a ales de mai multe, prin fiecare „voce” – în afara celor trei heteronimi, cei mai cunoscuţi, specialiştii au numărat alţi câteva, oarecum episodici – ce-a dat glas poeziei, după cum urmează: „în cazul lui Caiero [fiind vorba] despre o tranzitivitate a percepţiei preverbale”, în cel al lui Ricardo Reis despre „o tranzitivitate gnomică de substanţă epicureică”, în timp ce „Alvaro de Campos e un poet al tranzitivităţii declamative şi paroxistice” (Gheorghe Crăciun, Aisbergul poeziei moderne, Paralela 45, 2002). La rându-i(-le, dacă-i punem la socoteală şi pe cei trei), a(u) făcut ca poezia modernă europeană să vorbească şi portugheza, alături de franceză, engleză, germană, italiană, spaniolă, greacă, română... A trebuit să treacă mai mult de jumătate de veac, ca limba portugheză să fie în-Nobel-ată, prin José Saramago (1922 – 2010), semn cert că-i o limbă aleasă care a ştiut, la rându-i, să-şi aleagă scriitorii.

Printre tinerii basarabeni care şi-au făcut studiile la Paris, se numără şi Mathias de la Merced – dânsul scrie, cu aceeaşi dexteritate, în trei limbi (română, engleză, franceză); sunt curios să văd în ce limbă va debuta editorial, şi care-l va consacra, în cele din urmă. Deocamdată, mult prea lunga-mi introducere nu face decât să-l prezinte publicului larg, găzduindu-i pe blogul meu o cronică la spectacol.

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Cleansed (Purifiés) – Sarah Kane – mes Katie Mitchell – mai 2016 – Royal National Theatre, Londres

Londres

Aimer la perte.

Et ce qu’il y a de divin en toi est l’éveil de l’action antihumaine.

Lapeur est un langage, et le langage est structuré comme une peur.

Ces amputations font manifeste.

un corps de pureté. cebesoin t’écrit-il ?

la mort est travaillée par un besoin de pureté – un manque de pureté – et pour la mortil s’agit bien d’un besoin corporel.

lamort est monstrueusement vertueuse : aridité irréalité solitude.

sexualitéféminine est socialité féminine tandis que sexualité masculine est nihilisme masculin est solipsisme masculin la première est par conséquent digne de haine et inauthentique et insincère

Sarah Kane et son œuvre n’avait aucune peur de dire ‘aimer’. Elle sait (le devoir d’) aimer jusqu’à la laideur. Elle l’accepte et elle ancre tout son être dans ce devoir. Après le travail destructif de l’amour sur l’aimé, sur le monde et sur soi-même, il n’en reste que le laid (reductio ad verum). D’autres émotions existent dans son œuvre, certes, mais l’amour domine incontesté son écriture et son imaginaire. Cet amour – ou parfois le désir démentiel de n’y céder (et de rester ancré en soi, de ne pas s’y dissiper) à n’importe quel prix – pousse les voix et les créatures qui errent dans les textes de Kane à dévaster un par un tout ce qui voisine ou concurrence l’amour.

L’amour est une imperfection dans la solitude. Un échec de solitude. D’une solitude extrême.

L’amour a été incarcéré dans l’humain pour s’assurer qu’il ne s’échappe jamais.Qu’il ne détruise rien de valeur.Iln’a pas été construit pour survivre entre deux humains il n’a pas été construit pour vivre parmi les humains.

Peut-être qu’il ne peut y avoir d’amour qu’entre des métaphores.

– plutôt un enfer intime

– enfer personnalisé taillé sur mesure

–égoïstede privatisersonenfer

l’enfer t’oblige au collectif à lasociété

– non, l’enfer sert à se cacher de la société

–non, c’est le paradisqui estunétatsolitaire

designerfears

elle cultiveson enfer /son suicide/tel un parasite intestinal ou un talent,

il exerceson enfer/son suicide/ tel un muscle,

il fautméritersonenfer il faut survivreà son paradisle vivre comme un examen pour monter finalement aux enfers

Purifiés est une histoire d’accros, de tortionnaires, de sœurs, de putes, d’innocences et de sadismes et des désirs du changement. C’est la plus tendre des pièces de Kane. Une œuvre qui orbite l’amour, donc évidemment elle a lieu dans un camp de concentration. Les amoureux y sont testés, châtrés, anéantis, connus, exterminés, profanés, sustentés, entraînés, réanimés.

Une sœur aime son frère décédé.Une sœur ne porte plus que les vêtements de ce-dernier et se laisse emprisonner dans une clinique dirigée par Tinker– chercheur sadique et tout-puissant, Mengele muni d’un doctorat en métaphysique et poète écrivant en anatomie humaine. Une sœur accepte d’être longuement torturée et soumise à un changement brutal de sexe.

Il n’y a pas de survivants.

– toi qui connais la vie, comment changent les gens ?

– ça a quelque chose а voir avec dieu.alors, ce n'est pas très joli. dieu t'ouvre en deux,de son ongle pointu,de la gorge au ventre. il plonge une grosse main crasseuse et saisit tes tuyaux ensanglantés. ils veulent lui échapper, mais il serre fort, il insiste.il tire,il tire, jusqu’à ce que

tes entrailles jaillissent. et la douleur. puis il les fourre а l’intérieur, sales, emmêlées, déchirées. à toi de recoudre tout ça.

– et de te lever. et de marcher.

– les tripes en vrac, tu joues le jeu.

– c’est comme ça que les gens changent.

(Tony Kushner – Angels in America)

L’amour se déploie dans Purifiés en force nihiliste ; il supprime d’abord le monde externe et tolère seulement ceux qui aiment ; l’humain en interprétation caïnite héberge l’amour dans sa psyché et son corps comme on bercerait un ver intestinal affamé qui croit à sa destinée de Léviathan. Après, lors de la disparition inévitable de l’autre aimé (avec lequel l’amour purifiant de Kane ne saurait inaugurer qu’une proximité au mieux asymptotique, l’objet aimé est calciné sur-le-champ par l’amour même de celui qui aime), l’amour se consume lui-même en même temps qu’il incinère les rémanences de (la dernière possibilité de) l’altérité, de l’ouverture au monde et à l’autre, ne laissant derrière lui que la squame de son échec total.

Tatiana, viens à ton Onéguine.

Kane écrit des tragédies modernistes (i.e., la tragédie est toujours celle du langage) qui rappellent Sénèque, Shakspere et ses congénères jacobéens les plus baroques en cruauté (Middleton, Ford, Webster), pourtant le seul héros vraiment tragique de son œuvre, le seul doué d’une destinée authentiquement tragique, c’est l’amour. Et en bonne moderniste, elle démembre dans Purifiés le langage jusqu’à pouvoir le cacher et le nourrir dans le cadavre de l’amour : sa pensée, sa poésie – une morgue monumentale. Et rien ne change si on inverse et c’est l’amour qui se trouve en gestation dans la momie du langage.

Celui qui aime est à Dachau : appelez drMengele.

Sur cette scène, le seul instrument le seul vrai instrument pour connaître son soi – pour formuler le soi – est la prostitution.

Voyez le miracle et oubliez-le.

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